Installation Rebours Labours Traverse Vidéo Prép’art – Toulouse

Installation Rebours Labours dans le cadre de  Traverse Vidéo à Prép’art Toulouse

Ouverture, vernissages de Travers Vidéo, du mercredi 13 au dimanche 17 mars 2024

Exposition du 13 au 31 mars 2024 – Vernissage jeudi soir 14 mars à 19h 

Présence de Christelle Richard-Dauphinot de 17h30 à 20h30 avec d’autres artistes à Prép’art 

École Prép’art, 51 rue de Bayard 31000 Toulouse

Rebours Labours

Tu avances dans cette rue qui te conduit
De la place Jeanne d’Arc jusqu’à la gare.
Une large vitrine attire ton attention :
Pas la devanture d’un magasin
Ni d’une banque
Mais celle d’une école d’art !
Tu approches.
Collés tout juste derrière la vitre,
Neuf grands QR codes forment un carré.
Ça occupe tout l’espace.
Ça en impose. Tu trouves ça graphique.
Non mais là, c’est quoi ? ça parle de quoi ?
Un énigmatique agencement de labyrinthes ?
Sûr que non.
Tu pourrais aller demander à l’accueil,
Tu préfères comprendre par toi-même.
Comme tout le monde,
Tu as ton téléphone portable à la main.
Alors tu flashes.
Jusque-là tout va bien,
Mais après ?
Après, tu es toujours dans cette rue,
Connecté.e à ton téléphone.
Tu accèdes à une vidéo.
L’image est fixe.
Ton téléphone émet une parole
Que tu ne comprends pas.
Te voilà dans une curieuse dimension !
A chaque connexion,
Apparaît une nouvelle image fixe,
Toujours selon le même rituel :
Deux mains jointes,
Sur un fond blanc,
Font offrande.
Ces mains offrent
De la terre, du coton brut, des graines de blé,
Des perles de bois, de la laine brute, de l’eau,
De la crème fraîche, des graviers, du gros sel,
Des fondamentaux à dimension
Symbolique, poétique, politique.
C’est à la fois curieux et si familier.
Ces paroles sont respiration.
Elles t’inviteraient presque
A la méditation.
Il s’agit de neuf décomptes,
De patients rebours, déclinés,
Égrenés selon le même rituel.
Latin, hébreu, néerlandais,
Perse, russe, brésilien,
Turc, arabe, ukrainien,
Quel travail !
Tu te demandes ce que tu fais là.
Cela fait un moment maintenant,
Que tu déambules devant cette vitrine.
Ta présence en est désincarnée.
D’autres s’arrêtent et se questionnent.
Tu as compris que ces neuf QR codes
Font œuvre et c’est toi qui active l’œuvre.
C’est beau ? ça te retourne !
Or, Morte ou vivantes,
Étrangement,
Ces langues sont dans le feu
De notre temps,
Incarnées par les adversités.
Ici-même, pacifiques !

Christelle Richard-Dauphinot

En dépit de l’indiscutable contemporanéité de ces tableaux QR code, de l’outil nécessaire à leur décryptage – le très précieux téléphone portable – le constat des lieux, si l’on peut dire, demeure toujours identique : une oeuvre est bien autre chose que l’évidence proposée ; sous la surface, s’agitent, se répondent ou se troublent un ensemble de signes, de symboles, et d’associations essentielles qui font sens tout en offrant au regard la plénitude créatrice tant convoitée.

Jadis, seul le cerveau humain, porté par son pouvoir, son savoir et sa culture originelle, pouvait exécuter l’opération savante d’aller voir là-bas, derrière ou dessous, pour mieux saisir et comprendre ; à sa manière, toute métaphorique et radicale, le portable et son lien transitionnel répète ici ce même geste éclairé, ce même élan, conscient ou pas, où se rejoignent l’artiste et celui qui regarde. 

Ainsi, derrière l’abstraction labyrinthique du QR code, un autre monde se cache, se dérobe à nos regards profanes. A nous, d’un petit coup d’index, de découvrir, sous la froideur de la technologie nouvelle, ces matières universelles soudain révélées, ces gestes archaïques revenus des temps humains les plus anciens. À nous d’entendre ces langues étranges dérouler leur compte à rebours énigmatiques : Pour quel jeu ? Quel départ ? Quelle fin ?  

À nous de répondre, bien sûr, sans rien d’autre que notre imagination personnelle, avec laquelle, sans prétention ou irrévérence, une oeuvre peut être intimement prolongée.

Jean-Luc Aribaud

A propos de Rebours Labours